Article publié dans Aix-Echos

vendredi 18 septembre 2009
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A l’occasion de la parution de son dernier recueil, Aix-Échos donne la parole à Jacqueline Peurière-Ferlin.

Jacqueline Peurière-Ferlin nous offre en partage son sixième recueil de poésie. Un ouvrage à deux voix puisqu’elle nous invite à découvrir l’écriture poétique de son père à travers leurs regards croisés. La chanson douce d’un abécédaire qu’on déroule avec curiosité, les discrets petits signes d’éternité –miniatures et calligraphies de l’auteure cachées aux détours des pages- enluminent avec beaucoup de pudeur leurs mots mêlés.

  Aix-EchosL’Ombre et le Vent, abécédaire à quatre mains… nouveau recueil de poèmes croisés entre Jacqueline Peurière-Ferlin et son père Maurice Peurière : une main ouverte et la vie à se partager… complicité ou confidence posthume, finalement ?
 Jacqueline Peurière-Ferlin…Finalement ?… les deux : complicité et confidence posthume… Complicité : elle fut grande entre nous. Elle m’a ouvert des chemins : l’amour de la nature et de la poésie, du théâtre, du cinéma, de la musique… Le choix du métier d’enseignant. L’espoir en un monde plus juste et meilleur. Confidence posthume : mon père est dans ses poèmes . Je le retrouve quand je les lis.
 AE…Comment choisit-on parmi trois cents poèmes ? Y avait-il des thématiques, des formes d’écriture qui, d’une certaine manière, ne correspondaient pas, ne faisaient pas correspondance entre vos pensées ? entre vos écritures ? ou … ?
 JPF…Pas de problème avec les formes d’écriture. Différentes, elles n’empêchent pas la correspondance de la pensée. Les thèmes ont effectivement guidé le choix dans la mesure où je souhaitais des poèmes « croisés » comme ligne de construction du recueil.
 AE…Comment Le poète, rimailleur révolté témoin de son temps, inventeur d’un inutile gribouillage, lutine-t-il aussi la psyché ?
 JPF… On trouve la réponse page 22… Les sources d’inspiration de mon père…« Les confidences de sa raison inquiète, ses
chagrins et ses ris, ses espoirs, ses peines, ses amours, ses haines, les tourments de sa vie et sa foi en un monde meilleur ». La
poésie, c’était son « journal intime ».

Page blanche

Est-il ton confident
Ce bout de papier blanc
Sur lequel tu alignes
Des mots, des points, des signes ?
Est-il le confident
Qui, muet, te comprend
Et sait taire la quête
De ta raison inquiète ?
Est-ce à lui que tu dis
Tes chagrins et tes ris
Tes espoirs et tes peines
Tes amours et tes haines ?
Ce fragile feuillet
Est-il dans le secret
Des tourments de ta vie
Aux brumes infinies ?
Lui diras-tu ta foi
En ceux qui autrefois
Poussés par l’infortune
Sont morts pour la Commune

M.P.

Muse

Ma mutine
Qui butine
Dans les plis de mes pensées
Dans mes rimes anonymes
Dans l’ourlet de mes idées
Ma muse brillantissime
Ma fringante Cassiopée
De galanteries badines
Tu lutines ma psyché.

J.P.F.


 AE…Entre le façonnage des vers, comme une épure de JPF et les ronsardises de MP , plus qu’une question de style, c’est une question d’époque ?
 JPF…Non, ce n’est pas une question d’époque. On peut de tout temps, écrire de la poésie classique sans qu’elle soit « démodée ». C’est une tournure d’esprit. Les vers libres offrent peut-être plus de place à la fantaisie, à l’imaginaire, d’où mon choix.
 AE…Quel est le poème de MP qui a le plus de résonance pour JPF ? Pourquoi ?
Quel est celui des textes de JPF que celle-ci aurait aimé voir plus particulièrement remarqué par MP et pourquoi ?
« Post Franco » : je le trouve très émouvant. J’y retrouve son métier d’enseignant (il parle du collège du Marais à St Etienne où il a été Principal), son engagement, sa lucidité mais aussi son espoir (chevillé au corps) en un monde meilleur aux lendemains qui chantent.
En ce qui me concerne, peu m’importe lequel de mes textes il aurait pu plus particulièrement remarquer. Je peux imaginer toutefois qu’il aurait bien aimé : « A Louise Michel ».

Post-Franco

Franco, sanglant et tortionnaire,
Est mort, tranquille, dans son lit,
Terminant sa longue carrière
Tel Napoléon le Petit.

A son chevet, étaient le Sabre,
Le Goupillon, la C.I.A.,
Penchés sur son visage glabre,
Angoissés par ce qui viendra.

Je sais qu’il est, en notre France,
Des exilés à la Hugo,
Qui attendent la délivrance
De Madrid et de Bilbao.

Je pense à toi, vieille Espagnole,
Qui a lavé tant de parquets
Entre les murs gris d’une école
Enfumée au fond du Marais.

La larme qui, sur ton visage,
A coulé au soir de sa mort,
Etait une larme de rage :
Tu voulais qu’il souffrît encore

Je souhaite que, malgré ton âge,
Tu puisses revoir ton pays
Libéré de tout esclavage
Et d’un passé que tu maudis.

Tu franchiras de nouveau l’Ebre,
Comme les brigades autrefois,
Et le sourire sur les lèvres,
Tu rentreras à Guernica.

Puisse alors ta République
Se perpétuer bien longtemps.
Que la Feria et sa musique
Egayent la fin de tes ans.

Tu me regardes d’un air triste :
La mort n’a rien changé là-bas.
La dictature toujours subsiste,
Le fric mène la corrida.

Ce que je te dis là t’étonne :
Je me laisse griser d’espoir ;
Je vois flotter sur Barcelone
Drapeaux rouges et drapeaux noirs.

Sur la route des Pyrénées,
N’entends-tu pas, n’entends-tu pas,
Par les réfugiés, entonnée,
La chanson de Pasionaria ?

MP

A Louise Michel

Des Minguettes aux Batignolles
On la dit folle
Folle à lier
Folle à danser la Carmagnole
En veste à basques
A grand collet
Look fédéré marseillais
Le bonnet rouge
Le gilet.
A vous marins du Potemkine
Elle a chanté « Le chiffon rouge »
Avec les mineurs des corons
Le drapeau et la Vierge rouge
La Commune
Benoît Malon.
Ils ont osé
Chassepots la gueule béante
Osé le mur des Fédérés !
La rage vient pour moins que ça.
A vous marins du Potemkine :
Que Neptune lève les flots !
Elle est belle mon insoumise
Ses oeillets rouges dans le dos
Sa gouaille de poulbot
Son rire
Ma cerise sur le gâteau.

J.P.F.


L’Ombre et le Vent, abécédaire à quatre mains, poèmes croisés,(190 pages),est disponible aux Editions du Tramblé…
Jacqueline PEURIERE-FERLIN
53 chemin du Tramble
42260 SAINT-GERMAIN-LAVAL
ou à Aix-Echos
(15 euros)